vendredi 27 mars 2015

Petite chronique rapide: neige, assassin, montagne, et neige.

Un roi sans divertissement, de Jean Giono

Les années 1840. Un village perdu du Dauphiné. Un hiver enneigé. Une série de disparitions inexpliquées. Très vite, pour résoudre ce mystère, on fait venir ni plus ni moins qu'un officier de la ville, le commandant Langlois. Mais si rapidement il trouve la clé de cette énigme, cette affaire sera loin de le laisser indemne...
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"Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'avais écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire." J. Giono
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"Le sang sur la neige, très propre, rouge et blanc, c'était très beau."


     Infos complémentaires:
     Origine: France
     Edition: Folio (1948)
     240 pages


Vous l'avez sans doute constaté si vous traînassez sur ce blog depuis quelques temps et que vous avez au moins deux ronds de jugeote, je porte plus volontiers mon dévolu livresque sur la fantasy. Parfois, cependant, il m'arrive de me lancer de façon plus hasardeuse dans des oeuvres bien éloignées de mes principaux intérêts - fantasy, historique, policier, éventuellement absurde, humour noir ou anglais. Je me disais depuis un petit bout de temps qu'une bonne liste de "classiques" de la littérature manquaient à mon tableau, et même si je n'aime pas trop me forcer pour ce genre de choses, je n'aime pas non plus avoir de grosses lacunes dans ma culture générale. Mais, comme lire est avant tout un divertissement pour moi, autant choisir quelque chose d'à priori intéressant et pas trop long. (oui, dit comme ça, j'ai un peu honte...)
C'est ainsi que j'ai entrepris la lecture d'Un roi sans divertissement.

Voilà un livre bien étrange... Je ne saurais dire exactement ce qui m'a attiré chez lui. J'aurais également beaucoup de mal à vous en parler comme je le fais habituellement dans mes autres chroniques. De ce que j'ai pu voir un peu partout sur le net, il y a bon nombre de pistes d'analyse et de réflexion très intéressantes - qui en font le genre d'oeuvre redoutée par les bacheliers de France et de Navarre - mais c'est en solitaire que je me suis lancé, non dans une volonté de décortiquer le texte, simplement pour le savourer. Aussi, peut-être beaucoup de choses m'ont-elles échappé.
Toujours est-il que je pense qu'Un roi sans divertissement n'est pas vraiment fait pour être disséqué, mais pour être ressenti. Il instaure tout du long une espèce d'ambiance un peu étrange, un peu irréelle, comme si les personnages-narrateurs eux-mêmes semblaient absents, perdus... J'ai eu un peu l'impression de ressentir la même chose que face à un immense champ recouvert de neige - si, vous savez, une espèce de vide intérieur, mêlé à un sentiment de tristesse, de plénitude, et de nostalgie tout à la fois... Et petit à petit, cette ambiance particulière se fait de plus en plus pesante, comme si l'on sentait que les personnages voulaient nous dire quelque chose, sans y parvenir, tandis que le lecteur a du mal à voir où ils veulent en venir. Alors la fin arrive, comme un soulagement pour tout le monde, comme un poids dont tous se seraient enfin libérés, surprenante (enfin... presque, comme vous le verrez un peu plus bas) et pourtant tellement logique au fond, puisque tout y conduisait.

Je me suis parfois ennuyé, parfois moins, j'ai eu du mal à avancer de temps en temps, mais quand j'ai refermé le livre après la dernière page, j'avais la sensation d'avoir lu un bon truc. Pas inoubliable, pas indispensable, juste un bon truc, beau sans prétention et bien écrit.

(Je ne félicite en revanche pas les imbéciles qui ont cru malin de mettre en quatrième de couverture un extrait du livre, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit ni plus ni moins de la fin... Ce qui est fort dommage, car je pense qu'elle a de quoi surprendre, et elle aurait pu faire son office auprès de moi, si je ne l'avais pas connue à l'avance. Donc, zut à vous les gars, je ne vous remercie pas. (et du coup, c'est pour ça qu'à la place vous avez un résumé pourri rédigé par mes soins))

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lundi 2 mars 2015

Pause grimoire-bière: La dernière aventure des Fiers de Hache!

Le Donjon de Naheulbeuk, tome 4: Chaos sous la Montagne, de John Lang

C’est la guerre en terre de Fangh ! Et nos aventuriers font face aux armées démoniaques de Gzor, sans possibilité de se défiler. Pour la première fois de leur carrière, ils vont devoir participer à une véritable bataille épique… Mais les techniques de bourrin et les sorts lancés au petit bonheur ne suffiront peut-être pas à les sauver tous, cette fois. Et la compagnie au nom incertain pourrait même devoir recruter ; ce qui n’est pas du goût de tout le monde.  
Dans la confusion générale, les rescapés du donjon de Naheulbeuk vont se voir confier une mission de la plus haute importance. Une expédition qui passe par les mines des Nains, aussi profondes que le mépris des courtauds pour les gens de la surface… Entre la diplomatie et la baston, la frontière sera mince. Et le sort du monde pourrait bien se jouer sur une raillerie de trop !  
Comme si cela ne suffisait pas, un sorcier et son acolyte se lancent sur la piste des responsables de leur ruine. Avec la ferme intention d’assouvir leur vengeance, coûte que coûte. Car chacun pressent que tout ce chaos va s’achever par un désastre.
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"Ce fut à ce moment que le Ranger cessa de le considérer comme un gros bourrin. Il se sentait un peu jaloux, mais aussi agréablement surpris. Le Barbare semblait soucieux. C'était quelque chose de nouveau!" 
     Infos complémentaires:
     Série: Le Donjon de Naheulbeuk (5 tomes, terminée)
     Origine: France
     Edition: Octobre (2014)
     380 pages


Toutes les bonnes choses ont une fin, comme dit le proverbe, et Le Donjon de Naheulbeuk n'échappe pas à la règle. Je m'y étais préparé psychologiquement depuis un bout de temps déjà; j'avais fait les choses très sérieusement (si, si!), en relisant Le Conseil de Suak, histoire de me remettre dans le bain avant d'entamer le chapitre final de l'histoire de nos aventuriers. Et donc, même si j'avais un peu d'appréhension, et que je ne voulais y croire qu'à moitié, j'étais dans les meilleures dispositions pour affronter la dernière aventure des Fiers de Hache.

Une petite carte de la région dans laquelle se déroule l'aventure.
Guerre oblige, les combats sont beaucoup plus présents que dans les tomes précédents - de quoi ravir le Nain et le Barbare! - et font de Chaos sous la Montagne un épisode très riche en action visuelle et tendue. Même si je ne suis pas généralement fan de la baston narrée, je dois avouer qu'ici, ça fonctionne, et j'ai vraiment été pris lorsque ça castagnait. Surtout que, étant donné qu'il s'agit du dernier tome - et au vu de la quatrième de couverture - on n'est jamais vraiment sûr que les personnages vont s'en sortir, ou au moins en un seul morceau. Non, John Lang parvient à instaurer une réelle tension lors de ces combats, tout en les rendant jouissifs, bien plus selon moi que ne parvenait à le faire Stan Nicholls dans La Compagnie de la Foudre, qui pourtant repose largement sur l'action.

Les Nains, un peuple plein de finesse.
Mais le thème de la guerre ne se fait pas seulement ressentir au niveau de l'action: le volume est également plus sombre. Même en Terre de Fangh, la guerre a des conséquences terribles, lesquelles seront d'ailleurs à l'origine de la nouvelle mission de la compagnie. Les différents membres gagnent d'ailleurs ici en profondeur, et leurs relations s'étoffent, poursuivant ce qui avait été légèrement entamé dans Le Conseil de Suak. Leurs disputes prennent parfois un tournant moins humoristique, bien qu'une réplique ou les blagues vaseuses du Nain rappellent le côté décalé de l'aventure. Car si le ton général se veut plus sérieux, le volume ne manque toutefois pas d'humour. A ce titre, le passage au milieu du peuple Nain dans les mines de Mir-Nodd, bien que parfois peu long, est juste mémorable! Tout le monde connaît l'avarice et les mauvaises manières du Nain, hé bien imaginez ça avec une bonne centaine de gars du même genre! Du Naheulbeuk pur jus!

De nouveaux personnages font également leur apparition. Parmi les principaux, Sonjaska, déjà entrevue dans Le Conseil de Suak, se joint au groupe, afin d'y apporter un peu de fraîcheur bienvenue, mais on peut également citer un nouvel ennemi au service de Gzor, ainsi qu'un vieux vampire désireux d'assouvir sa vengeance. On retrouve aussi bien sûr Zangdar et Reivax, bien décidés à en finir une bonne fois pour toutes avec les aventuriers. J'ai été un peu déçu de leur périple et de leur devenir, car ils m'ont donné l'impression d'être à peine survolés, alors que j'apprécie énormément ce duo. De même, il y avait moyen d'en faire beaucoup plus avec le vampire, surtout qu'il y a des chances pour qu'on le revoie dans de futures histoires en Terre de Fangh.

Que de chemin parcouru depuis les couloirs
 crasseux du donjon de Naheulbeuk!
En fait, globalement, le plus gros défaut du tome - en plus d'être la fin (ouiiiin!) - est un problème de narration et de rythme. Autant les 300 premières pages, qui se déroulent sur peut-être deux ou trois jours tout au plus, m'ont semblées parfois très - trop - diluées, autant les 80 dernières pages adoptent un rythme très soutenu, qui dénote vraiment avec le reste, et donne l'impression que les derniers chapitres sont expédiés, impression renforcée par le fait que certains passages soient véritablement survolés, y compris du côté de la compagnie. Pourtant, les derniers chapitres adoptent finalement un rythme assez proche de ce qui avait été fait dans les tomes précédents, et globalement je les ai appréciés pour cela, mais peut-être cela convient-il moins à une conclusion générale de la saga. Par ailleurs, j'ai un peu regretté que l'humour décalé de John Lang soit moins présent dans la narration.

Néanmoins, l'"épilogue" rattrappe le tir, et permet de terminer sur une note positive. D'une manière générale, j'aime beaucoup ces fins "ouvertes", où même si l'histoire s'achève, le devenir des personnages est laissé à l'imagination du spectateur, laissant la porte ouverte à de nouvelles aventures. Celle-ci ne déroge pas à la règle, aussi mon regret d'avoir terminé la série s'en est trouvé atténué, et c'est avec le sourire que j'ai quitté nos aventuriers désormais enfin reconnus.

Bilan des courses


Un tome riche en action, certes plus sombre que les précédents, mais qui conserve néanmoins une bonne dose d'humour. Pour la dernière aventure des Fiers de Hache, John Lang parvient ainsi, tout en restant dans la continuité du ton du Conseil de Suak, à renouer également avec les péripéties "à l'ancienne" de la compagnie. Conclusion oblige, les personnages et leurs relations évoluent, mais restent toujours fidèles à eux-mêmes. J'ai toutefois regretté un problème de rythme, et moins d'humour dans la narration, mais même si par conséquent, ce tome ne sera pas de mes préférés, il n'en demeure pas moins très bon et incontournable pour tout fan de la série.